L’industrie vidéoludique est
traversée par des courants hétérogènes qui la rendent complexe et
difficilement discernable dans son appréhension du point de vue de la
création artistique.
Mue par sa vocation commerciale, l’industrie ne semble envisager le joueur qu’à l’aune d’une cible marketing tant la conception y est assujettie et la monétisation de biens virtuels généralisée. Tout semble se passer comme si le contenu, la portée et les processus de ces jeux étaient essentiellement motivés par les logiques financières. D’une part, compte tenu des sommes engagées (18 à 28 millions de dollars en moyenne pour jeu AAA*) les administrateurs se préoccupent principalement de sécuriser les processus de création et de réalisation afin de garder la confiance des actionnaires et des investisseurs. D’autre part, en surfant sur la vague « casual » des réseaux sociaux, les néo business models, en partant de rien créent des empires. Le sens qualificatif, le culturel désintéressé, semblent ainsi s’effacer au profit d’une pure logique consummériste.
Pourtant, par-delà ces joutes économiques, il y a des femmes et des hommes plus attachés à engager des valeurs existentielles émancipatrices. En fond de cale de ces navires industriels ou sur de frêles esquifs quand ils ont choisi l’indépendance, ils créent. Qu’ils soient graphistes, musiciens, programmeurs, game designer, level designer, techniciens ou chefs de projets, ou tout à la fois, ils aspirent à faire du jeu un moment de plaisir esthétique épuré de ses parasitages marchands et à partager une expérience d’élargissement de l’être se libérant de l’avoir.
Autrement dit, se dégage au sein de cette sphère industrielle vidéoludique, une volonté de s’opposer à la dimension capitaliste qui recouvre la création. Grâce à la dématérialisation, en effet, est apparu un renouveau de la scène indépendante qui a permis l’émergence d’œuvres artistiques défiant non seulement la priorité marchande d’une réussite reconnue mais aussi les cycles d’obsolescence des équipements. D’autres créations d’amateurs de la génération des geeks se faufilent désormais, à l’intericonicité d’œuvres mainstream dans un mouvement plus large de transmédia. Ainsi la création vidéoludique éclot dans des lieux inédits où indépendants, artistes, où créateurs de l’industrie, étudiants, chercheurs se saisissent de ce nouveau média.
Dans cet espace, deux grandes tendances expriment l’apparition de cette contre-culture vidéoludique : l’Artgame et le Game Art qui se côtoient dans les musées et dont les définitions ont tendance à se chevaucher.
Le Game Art (l'art fabriqué à partir de matériaux de jeux vidéo) est aujourd'hui défini suivant 4 catégories :
Par ailleurs, ces préoccupations sont d’une urgente actualité. L’Artgame et le Game Art constituent un tournant dans la culture vidéoludique comme l’indiquent les récentes recherches, notamment la parution du numéro spécial sur les jeux vidéo de la revue Hermès** (http://www.iscc.cnrs.fr/spip.php?article1621), s’interrogeant sur l’hétérogénéité de la culture vidéoludique, au travers cette question du sens et des valeurs véhiculées dans les jeux vidéo***.
Moyen créatif, le jeu vidéo est saisi par des laboratoires de recherche appliquée comme un terrain d’expérimentation de nouvelles conceptions vidéoludiques qui ne se restreignent plus à la seule innovation technologique et ignorent les messages subliminaux idéologiques. Si le jeu vidéo est à la fois un moyen, une technique, un nouveau médium, un média et un support, il reste à l’interroger comme on le fait pour l’installation, l’art vidéo ou le cinéma.
En posant un regard critique sur les jeux vidéo, situés à la croisée de l’art et de l’industrie, il est possible de faire apparaitre les contradictions et les discordances inhérentes aux œuvres vidéoludiques en vue d’une création émancipée. Si bien qu’il est alors possible de voir dans cette contre-culture des jeux vidéo de l’ArtGame et du Game Art, tout aussi bien des traces d’appropriation néocapitaliste, que de découvrir derrière les étendards des grandes sociétés vidéoludiques certains jeux vidéo se développer comme des véritables œuvres artistiques porteuses d’intentions créatives et poétiques, loin des actuelles valeurs dominantes.
* Meloni, W. THE BRIEF: 2009 Ups and Downs in video game industry. M2 Research, 2010. Accessible sur http://www.m2research.com/the-brief-2009-ups-and-downs.htm
**"Les jeux vidéo, Quand jouer, c'est communiquer", Hermès, La Revue, 2012, CNRS Editions, Coordonné par Jean-Paul Lafrance et Nicolas Oliveri, supervisé par Éric Dacheux.
Mue par sa vocation commerciale, l’industrie ne semble envisager le joueur qu’à l’aune d’une cible marketing tant la conception y est assujettie et la monétisation de biens virtuels généralisée. Tout semble se passer comme si le contenu, la portée et les processus de ces jeux étaient essentiellement motivés par les logiques financières. D’une part, compte tenu des sommes engagées (18 à 28 millions de dollars en moyenne pour jeu AAA*) les administrateurs se préoccupent principalement de sécuriser les processus de création et de réalisation afin de garder la confiance des actionnaires et des investisseurs. D’autre part, en surfant sur la vague « casual » des réseaux sociaux, les néo business models, en partant de rien créent des empires. Le sens qualificatif, le culturel désintéressé, semblent ainsi s’effacer au profit d’une pure logique consummériste.
Pourtant, par-delà ces joutes économiques, il y a des femmes et des hommes plus attachés à engager des valeurs existentielles émancipatrices. En fond de cale de ces navires industriels ou sur de frêles esquifs quand ils ont choisi l’indépendance, ils créent. Qu’ils soient graphistes, musiciens, programmeurs, game designer, level designer, techniciens ou chefs de projets, ou tout à la fois, ils aspirent à faire du jeu un moment de plaisir esthétique épuré de ses parasitages marchands et à partager une expérience d’élargissement de l’être se libérant de l’avoir.
Autrement dit, se dégage au sein de cette sphère industrielle vidéoludique, une volonté de s’opposer à la dimension capitaliste qui recouvre la création. Grâce à la dématérialisation, en effet, est apparu un renouveau de la scène indépendante qui a permis l’émergence d’œuvres artistiques défiant non seulement la priorité marchande d’une réussite reconnue mais aussi les cycles d’obsolescence des équipements. D’autres créations d’amateurs de la génération des geeks se faufilent désormais, à l’intericonicité d’œuvres mainstream dans un mouvement plus large de transmédia. Ainsi la création vidéoludique éclot dans des lieux inédits où indépendants, artistes, où créateurs de l’industrie, étudiants, chercheurs se saisissent de ce nouveau média.
Dans cet espace, deux grandes tendances expriment l’apparition de cette contre-culture vidéoludique : l’Artgame et le Game Art qui se côtoient dans les musées et dont les définitions ont tendance à se chevaucher.
Le Game Art (l'art fabriqué à partir de matériaux de jeux vidéo) est aujourd'hui défini suivant 4 catégories :
- l'utilisation des technologies du jeu vidéo pour générer des images ;
- l'appropriation et le détournement d’images pour créer des œuvres d'art ;
- le piratage et la modification des jeux pour créer d’autres jeux ;
- l'intervention dans l’espace de jeux à travers des pratiques artistiques.
Par ailleurs, ces préoccupations sont d’une urgente actualité. L’Artgame et le Game Art constituent un tournant dans la culture vidéoludique comme l’indiquent les récentes recherches, notamment la parution du numéro spécial sur les jeux vidéo de la revue Hermès** (http://www.iscc.cnrs.fr/spip.php?article1621), s’interrogeant sur l’hétérogénéité de la culture vidéoludique, au travers cette question du sens et des valeurs véhiculées dans les jeux vidéo***.
Moyen créatif, le jeu vidéo est saisi par des laboratoires de recherche appliquée comme un terrain d’expérimentation de nouvelles conceptions vidéoludiques qui ne se restreignent plus à la seule innovation technologique et ignorent les messages subliminaux idéologiques. Si le jeu vidéo est à la fois un moyen, une technique, un nouveau médium, un média et un support, il reste à l’interroger comme on le fait pour l’installation, l’art vidéo ou le cinéma.
En posant un regard critique sur les jeux vidéo, situés à la croisée de l’art et de l’industrie, il est possible de faire apparaitre les contradictions et les discordances inhérentes aux œuvres vidéoludiques en vue d’une création émancipée. Si bien qu’il est alors possible de voir dans cette contre-culture des jeux vidéo de l’ArtGame et du Game Art, tout aussi bien des traces d’appropriation néocapitaliste, que de découvrir derrière les étendards des grandes sociétés vidéoludiques certains jeux vidéo se développer comme des véritables œuvres artistiques porteuses d’intentions créatives et poétiques, loin des actuelles valeurs dominantes.
* Meloni, W. THE BRIEF: 2009 Ups and Downs in video game industry. M2 Research, 2010. Accessible sur http://www.m2research.com/the-brief-2009-ups-and-downs.htm
**"Les jeux vidéo, Quand jouer, c'est communiquer", Hermès, La Revue, 2012, CNRS Editions, Coordonné par Jean-Paul Lafrance et Nicolas Oliveri, supervisé par Éric Dacheux.
***S. Rufat & H. T. Minassian (Eds.), Les jeux vidéos comme objet de recherche, Paris : Questions Théoriques, 2011.